Y-a-t-il DES religions catholiques ?

En 2017, La Croix et Pèlerin publient conjointement une étude sociologique distinguant 6 profils types de catholiques engagés en France : les festifs culturels, les saisonniers fraternels, les conciliaires, les observants, les inspirés et les émancipés. Une étude particulièrement intéressante mettant en lumière de fortes divergences de valeurs d’un groupe à l’autre. Des divergences se traduisant dans les prises de décisions politiques et les actes du quotidien, qui invitent à se poser la question d’une réelle unicité de la religion catholique. Pouvons-nous parler de religions catholiques au pluriel ?

Croyances religieuses, valeurs sociétales et opinions politiques

L’analyse sociologique s’est concentrée sur la France et s’est intéressée à plusieurs critères en posant aux sondés plusieurs questions :

  • Que représente Jésus pour vous ?
  • Comment définissez-vous votre spiritualité ?
  • Quelles sont vos pratiques du catholicisme ?
  • Quel est votre lieu de culte principal ?
  • Quel est votre milieu social ?
  • Quelles sont vos figures de référence ?
  • Pour quel parti politique votez-vous ?
  • Quelle est votre position vis-à-vis :
    • Du pape François ?
    • De la manif pour tous ?
    • Des migrants ?
    • De l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ?

L’étude met en exergue des divergences d’avis significatives face aux questions de société en fonction du rapport au catholicisme.

Si l’on observe les principaux profils de Catholiques votant à droite, nous trouvons par exemple :

1/ Les catholiques non pratiquants dits festifs culturels, issus principalement de classes populaires et représentant 45% des catholiques engagés français. Leur rapport à la spiritualité se résume généralement aux traditions et leurs rituels religieux sont globalement peu nombreux, bien qu’ils apprécient la messe en latin. La relation avec Jésus n’est pas particulièrement intime et le catholicisme est ici surtout vu comme un repère d’identité culturelle. Leur vote se situe à droite en opposition aux migrants, envers qui ils ont une position plutôt hostile. La plupart sont en revanche neutres face aux droits des homosexuels.

2/ Les observants, qui ne représentent que 7% des catholiques engagés. Les observants entendent leur spiritualité comme une ascèse pour se rapprocher de Dieu. La plupart sont très investis dans leur pratique de la religion catholique et vont régulièrement à la messe. Majoritairement en faveur de la Manif pour tous, les observants sont également opposées à l’avortement et portent les valeurs du modèle de famille catholique traditionnel. Leur position est également plutôt stricte à l’égard des migrants, ce qui explique leur défiance à l’égard du pape François.

3/ Les inspirés, qui se sentent particulièrement proches de Jésus et tentent de le faire rentrer dans chacun des aspects de leur vie. Certains sont proches de la Manif pour tous, mais il ne s’agit que d’une minorité. La plupart sont en revanche réservés face à la question des migrants, tout en restant plutôt en faveur du pape François.

L’opposition aux migrants fait donc presque l’unanimité au sein de la communauté catholique de droite, malgré un clair manque d’homogénéité des pratiques religieuses. La position face au mariage homosexuel et au droit à la vie génère des avis moins tranchés en fonction de la vision de la famille traditionnelle.

Les catholiques les plus à gauche regroupent également des profils très différents les uns des autres :

4/ Les saisonniers fraternels, qui entendent le catholicisme comme une relation de partage et de solidarité. Leur dévotion prend la forme de dons et ces derniers se positionnent en faveur du Pape François et d’un accueil inconditionnel des migrants. Leur vision de la famille est également plus large et ils se positionnent globalement en faveur du mariage pour tous.

5/ Les conciliaires, qui entendent le catholicisme comme la communion entre tous les hommes. Très pratiquants, ils sont engagés dans tous les domaines depuis le caritatif jusqu’à la défense de la famille, mais sont hostiles à la messe en latin. Majoritairement favorables au Pape François et à l’accueil des migrants, ils sont pourtant défavorables au mariage pour tous.

6/ Les émancipés, qui entendent leur spiritualité catholique comme un devoir de lutte contre les injustices sociales et politiques. La devise « aide ton prochain » est centrale pour les émancipés, qui voient en la figure de Jésus le libérateur de l’homme pour l’aider à être digne et altruiste. Hostiles au Pape François qu’ils estiment trop strict, les émancipés sont farouchement opposés à la Manif pour tous et se prononcent en faveur des droits des homosexuels. Egalement opposés aux migrants, les émancipés se méfient essentiellement de l’Islam en laquelle ils perçoivent une menace contre la libération des mœurs et l’émancipation des femmes.

Peut-on parler d’un pluralisme religieux ?

Les divergences de pratiques s’observent essentiellement en fonction de la vision que chacun se fait du rôle de Jésus et du principal message porté par le catholicisme. Si l’étude précédente porte sur la France, ces divergences s’observent à l’échelle mondiale, où la communauté catholique est effectivement divisée sur des sujets sociétaux de grande importance tel que l’avortement ou les droits des homosexuels.

Malgré cette pluralité d’opinions et de positions, le catholicisme en lui-même est porteurs de valeurs partagées par l’ensemble des catholiques : l’amour, l’entraide, la dévotion, le pardon, ou encore le salut. Les différences de pratiques et divergences d’opinion s’observent en fonction de la priorité accordée à tel ou tel aspect du catholicisme. Les croyances en tant que telles, en revanche, sont globalement les mêmes pour tous les catholiques. Si on peut donc parler d’un pluralisme religieux pour le christianisme, qui marque des différences nettes entre les religions catholiques, orthodoxes et protestantes, on ne peut estimer qu’il existe une pluralité de religions catholiques à proprement parler.

Il est donc plus pertinent de parler d’un pluralisme de pratiques pour désigner l’hétérogénéité de la communauté catholique.